La Terre ne s’est pas réchauffée aussi vite depuis l’extinction des dinosaures … Voici le titre alarmant de Futura Planète ce 20 septembre 2020. Il y est expliqué que les températures enregistrées sur les 15 derniers mois sont bien supérieures à la normale. Les exemples les plus marquants sont des records enregistrés au-dessus de cercle polaire avec plus de 38°.
En effet, au cours de ces derniers mois une grande partie des surfaces terrestres et océaniques ont connu des températures plus chaudes ou beaucoup plus élevées que la moyenne. De nombreuses régions ont enregistré des records et seules quelques régions étant plus froides que la moyenne.
On pense que le changement climatique est à l’origine d’un plus grand nombre d’événements extrêmes. Comme les sécheresses, les inondations et les tempêtes endommagent les cultures et peuvent causer des pénuries alimentaires qui sont responsables de la malnutrition et de famines dans les pays en développement, mais font également grimper les prix sur les marchés mondiaux. Par exemple, les inondations et les vents violents détruisent les maisons et les bâtiments, laissant les gens sans abris, sans nourriture et sans accès à l’eau potable. Les inondations de 2017 en Inde, au Népal, au Bangladesh et au Nigeria, ainsi que l’ouragan « Laura » qui a touché les États-Unis fin août 2020 (entraînant des nuées de moustiques qui ont décimés entre 300 et 400 bovins), sont autant d’exemples de l’impact dévastateur que ces événements peuvent avoir.

Vecteurs et maladies
Les inondations et autres événements climatiques majeurs sont les effets très visibles des conditions météorologiques extrêmes qui risquent de se répéter avec le réchauffement de la planète. Lentement mais sûrement, la hausse des températures affecte également la survie et la capacité de reproduction des organismes vivants, des virus aux plus grandes créatures terrestres et marines.
Même d’infimes variations de température peuvent avoir un effet dramatique sur une zone géographique dont les conditions sont favorables à la survie. Ces changements pourraient soit permettre aux parasites et aux maladies d’accéder à de nouvelles zones, soit rendre l’environnement trop rude en limitant la reproduction et la survie des différents stades de vie.
L’interaction entre les facteurs physiques, tels que la température et les précipitations, et les facteurs biologiques, tels que les concurrents et les prédateurs, pourrait avoir des conséquences négatives ou positives selon la zone géographique et les autres conditions locales.
Les arthropodes n’ont pas de mécanisme physiologique pour contrôler leur température corporelle, pas plus que les micro-organismes responsables des maladies humaines. Leur température est donc déterminée par la température ambiante, et leur taux d’humidité est affecté par le climat local ou les conditions intérieures.
Les temps d’incubation des micro-organismes chez une espèce de vecteur hôte sont très sensibles à la température. Ils ont généralement une relation exponentielle, de sorte qu’un petit changement de température peut avoir un impact très important sur leur survie.
Les micro-organismes infectieux et leurs hôtes arthropodes sont également affectés par les précipitations, l’altitude, le vent et la durée d’ensoleillement. D’après l’OMS, tous ces facteurs contribuent à créer une « enveloppe » climatique limitée dans laquelle un micro-organisme infectieux et le vecteur peuvent tous deux survivre.
Urbanisation
Aux facteurs climatiques s’ajoutent l’urbanisation croissante dans le monde entier, les changements d’utilisation des sols, les infrastructures gouvernementales variables telles que les services de santé, ainsi que les voyages et le commerce international. Ceux-ci rendent extrêmement complexes les prévisions de l’impact du changement climatique sur les nuisibles et leur impact sur nous.
Actuellement, 4 milliards de personnes vivent dans des zones urbaines, soit 54 % de la population mondiale. Selon les prévisions, ce nombre devrait augmenter de 2 milliards d’ici 2045. L’essentiel de cette croissance se produira dans les pays en développement où l’urbanisation sera probablement rapide. Mais il ne sera ni planifiée ni viable. De nombreuses nouvelles zones urbaines deviendront ainsi des refuges pour les nuisibles urbains. Mais également des foyers de propagation des maladies à transmission vectorielle déjà existantes et de nouvelles maladies.
Les zones urbaines créent un mélange complexe de microhabitats et un « îlot de chaleur ». De plus, les températures peuvent être supérieures de 12°C par rapport à celles des zones environnantes. Les activités humaines peuvent fournir une abondance de nourriture et d’eau, mais également un abri protégé contre les nombreux prédateurs naturels. Ce qui limitent les populations dans les habitats d’origine des nuisibles.
D’après une étude menée pour le gouvernement britannique sur les espèces d’insectes qui pourraient causer des nuisances en raison du changement climatique : certaines espèces de nuisibles seraient en augmentation alors que d’autres ne seraient pas touchées.
D’après cette étude, les espèces d’insectes peu susceptibles d’être affectées par les températures élevées au Royaume-Uni comprennent la blatte germanique (Blattella germanica), la punaise de lit (Cimex lectularius), la fourmi pharaon (Monomorium pharaonis), la petite vrillette (Anobium punctatum), la puce du chat (Ctenocephalides felis) et la teigne des vêtements (Tineola bisselliella). Ce sont principalement des parasites évoluant à l’intérieur des bâtiments, ce qui leur offre une bonne protection contre les changements météorologiques extérieurs.
Les espèces les plus susceptibles d’être affectées et d’augmenter leurs populations au Royaume-Uni suite au réchauffement climatique comprennent plusieurs espèces de moustiques habitant les zones rurales et urbaines, la fourmi aztèque invasive (Lasius neglectus), le termite méditerranéen (Reticulitermes grassei), dont une colonie fut déouverte dans le Devon (sud de l’Angleterre) en 2000, et la fourmi d’Argentine (Linepithema humile), qui est l’une des principales espèces envahissantes dans le monde.
Deux espèces, la mouche domestique (Musca domestica) et une mouche des sables (Phlebotomus mascittii), sont également susceptibles de prospérer au Royaume-Uni avec l’augmentation des précipitations.
De nombreuses espèces de nuisibles urbains seront affectées par le changement climatique dans le monde entier. Ci-dessous, voici quelques exemples de moustiques, de tiques, de rongeurs et de triatomes :
Les moustiques
Le moustique-tigre d’Asie, l’Aedes albopictus, est classé comme l’une des pires espèces envahissantes au monde. Originaire d’Asie tropicale, il s’est propagé dans le monde entier grâce au commerce international. L’Aedes albopictus et l’Aedes aegypti, les moustiques de la fièvre jaune originaire d’Afrique tropicale, se sont tous deux idéalement adaptés à l’environnement urbain.
De par la conception des zones urbaines et notre négligence, nous avons reproduit leurs sites de reproduction naturels en grand nombre : de petites quantités d’eau disséminées autour des maisons et des usines, mais également dans les canettes, bouteilles et autres déchets abandonnés. Ces deux espèces d’Aedes sont les vecteurs d’un certain nombre de virus dangereux, dont la dengue, le Chikungunya, le Zika et la fièvre jaune.
Résistants au froid et à la sécheresse, les œufs d’Aedes albopictus peuvent survivre dans des climats plus frais que l’Aedes aegypti (qui est plus efficace pour transmettre les maladies). On pense que son enveloppe climatique correspond à une température hivernale moyenne supérieure à 0°C pour l’hibernation des œufs, et à une température annuelle moyenne supérieure à 11°C pour la survie et la reproduction des adultes, avec des précipitations suffisantes en été pour conserver les habitats de ponte.
Avec le réchauffement climatique, cette zone va s’étendre vers le nord et à des altitudes plus élevées. Autrefois limité par les températures à environ 1000 m d’altitude sous les tropiques, l’Aedes albopictus a récemment été retrouvé à une altitude de 1700 m au Mexique et de 2200 m dans les Andes colombiennes.

Aux États-Unis, le moustique tigre asiatique a été signalé pour la première fois en 1985 au Texas, puis s’est depuis répandu vers le nord et vers l’est dans plus de 25 états. En Europe, il a été détecté pour la première fois en Albanie en 1979, puis s’est établi dans le pays. Il a été signalé à Gênes, en Italie, en 1990 et s’est établi dans la plupart des zones situées à moins de 600 m au-dessus du niveau de la mer. L’espèce s’est depuis propagée à l’est et à l’ouest autour de la Méditerranée. Le moustique a également été détecté dans de nombreux autres pays européens, jusqu’au Pays-Bas dans le nord, mais n’a pas encore établi de populations.
En 2016, au Royaume-Uni, un programme de surveillance de l’agence anglaise de santé publique (Public Health England) a permis de détecter des œufs d’Aedes albopictus dans un piège à moustiques près d’une station-service d’autoroute. Aucun adulte n’y a été détecté, mais un programme de lutte a été mis en place dans un rayon de 300 m autour du piège pour garantir son éradication totale (Vaux AGC et al, Conférence internationale sur les nuisibles urbains, 2017).
Depuis 2001, les deux espèces d’Aedes ont été découvertes en Russie près de Sochi, sur la côte est de la mer Noire. L’Aedes albopictus s’est rapidement propagé au nord et au sud (Roslavtseva & Alekseev, Conférence internationale sur les nuisibles urbains 2017).
Les prévisions en matière de changement climatique montrent que l’Aedes albopictus pourrait s’établir dans la majeure partie de l’Europe en raison de conditions plus chaudes et plus humides, les températures hivernales étant les plus importantes. Cependant, les étés plus chauds et plus secs du sud de l’Europe y réduiront les zones propices à son développement. L’urbanisation croissante est également susceptible de fournir à l’espèce un avantage compétitif en matière de reproduction par rapport aux moustiques locaux.
De nombreuses espèces de moustiques représentent un risque sanitaire dans le monde entier et doivent faire l’objet d’une surveillance constante pour étudier leur répartition en fonction des changements climatiques, notamment :
- l’Aedes aegypti, l’Aedes albopictus et d’autres espèces d’Aedes :
Maladies : virus du Chikungunya, virus de la dengue, virus du Nil occidental, virus de la fièvre jaune, virus Zika (et de nombreux autres virus), filariose lymphatique/éléphantiasis (vers ronds parasitaires)
- les espèces d’anophèles (plus de 60 espèces transmettent des maladies) :
Maladies : paludisme (protozoaire parasitaire), filariose lymphatique (vers ronds parasitaires), virus du Nil occidental
- les espèces de Culex :
Maladies : virus du Nil occidental, filariose lymphatique/éléphantiasis (vers ronds parasitaires)
- les espèces d’Haemagogus ; les espèces de Sabethes :
Maladies : virus de la fièvre jaune
Les tiques

Les tiques peuvent transmettre des agents pathogènes bactériens, protozoaires et viraux, responsables de maladies telles que la maladie de Lyme, la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses, l’anaplasmose et la babésiose. La maladie de Lyme est la maladie à transmission vectorielle la plus courante en Amérique du Nord.
Au cours des 40 années qui se sont écoulées depuis la découverte de la maladie de Lyme, le nombre de cas et sa répartition géographique ont connu une forte croissance en Amérique du Nord et en Eurasie.
Il est toutefois difficile de prédire comment le risque de maladies transmises par les tiques sera affecté par le changement climatique en raison des nombreux facteurs :
- le cycle de vie complexe des tiques
- le comportement saisonnier des tiques, comme ses périodes d’alimentation
- les interactions entre les systèmes immunitaires des hôtes et les agents pathogènes
- l’abondance des tiques
- les multiples espèces d’hôtes
- le comportement humain saisonnier
Tous ces facteurs peuvent être affectés de différentes manières par le réchauffement des températures et la modification des modèles de précipitations.
En Amérique du Nord, la survie des tiques Ixodes est étroitement liée à la souris à pattes blanches (Peromyscus leucopus). D’après une étude effectuée au Québec, la présence de cette souris se serait étendue vers le nord entre 1975 et aujourd’hui. Ce qui coïncide avec le réchauffement climatique et favorise l’expansion des tiques vers le nord.
Le jeune stade larvaire doit tout d’abord se nourrir sur un hôte infecté pour être infecté par un agent pathogène. La transmission des agents pathogènes à l’homme se fait principalement par les nymphes, car leur activité alimentaire coïncide avec l’activité humaine en plein air au printemps et au début de l’été. Ces deux stades de développement sont donc susceptibles de véhiculer un agent pathogène et de le transmettre à l’homme.
Les nymphes et les larves des espèces de tiques peuvent se nourrir à des périodes qui se chevauchent ou à des saisons différentes. Les hôtes infectés par les nymphes sont plus susceptibles de transmettre un agent pathogène aux larves qui se nourrissent sur les mêmes hôtes. Cette situation est compliquée par les différentes phases infectieuses des agents pathogènes.
La bactérie Anaplasma phagocytophilum, par exemple, n’est infectieuse chez un hôte que pendant deux semaines, alors que la maladie de Lyme, causée par la bactérie Borrelia burgdorferi, reste infectieuse pendant des mois. La maladie de Lyme a donc une fenêtre d’infection beaucoup plus longue lors de laquelle la prochaine génération de larves peut être infectée.
Les rongeurs

Les rongeurs sont l’une des principales espèces des nuisibles urbains, mais on les retrouve aussi bien autour des bâtiments que dans les zones agricoles. Ils sont vecteurs de nombreuses maladies en étant eux-mêmes des réservoirs, mais aussi via les ectoparasites qu’ils transportent, tels que les tiques et les puces, qui sont également porteuses d’un certain nombre de maladies humaines. Ils sont responsables de pertes importantes de denrées alimentaires dans le monde entier, tout au long de la chaîne d’approvisionnement, de la ferme au consommateur.
Véhiculés par les rongeurs, les hantavirus sont des virus moins connus qui peuvent être transmis à l’homme par l’inhalation de la poussière de leurs excréments séchés.
Dans les zones sauvages, les populations de rongeurs profitent déjà d’hivers et de printemps chauds et humides pour prospérer. Dans les zones tempérées, les populations peuvent donc augmenter si ces conditions deviennent plus fréquentes et sont alors plus susceptibles de rencontrer des humains.
Les inondations peuvent également pousser les rongeurs à s’abriter dans les bâtiments, alors que la sécheresse les pousse à chercher de la nourriture humide et de l’eau. Et les problèmes causés par les rats et les souris sont bien connus !
En Asie centrale, les populations de Grandes gerbilles, qui sont les principaux vecteurs de la peste, sont étudiées dans leurs habitats désertiques depuis les années 1940. Les puces qui infestent les terriers des gerbilles sont les principaux vecteurs de la bactérie de la peste, la Yersina pestis, chez les gerbilles.
Lorsque les populations de gerbilles dépassent un certain seuil, la peste est plus susceptible de se propager dans la population humaine. La modélisation de leurs populations et le changement climatique prévu en Asie centrale montrent que les épidémies de peste devraient devenir plus fréquentes au cours du siècle prochain.
Les populations de Campagnol roussâtre en Europe sont en augmentation suite à la forte production de graines d’arbres qui a lieu après les températures élevées de l’été et de l’automne. De la même manière, aux États-Unis, les populations de souris sylvestres augmentent suite à des pluies plus abondantes qui accroissent la production de graines de graminées.
Les triatomes

Les punaises triatomes sont l’un des principaux vecteurs de maladies en Amérique latine et sont ainsi responsables de la maladie de Chagas, causée par le parasite protozoaire Trypanosoma cruzi. Dans le monde, de 6 à 7 millions de personnes sont infectées par ce parasite, principalement en Amérique centrale et en Amérique du Sud où il est endémique. Il s’est répandu aux États-Unis, au Canada, en Europe et dans certains pays du Pacifique occidental grâce aux voyages.
Les triatomes vivent principalement dans les fissures et les petits espaces des murs et des toits des maisons mal construites, et sortent la nuit pour chercher un repas sanguin. L’infection est transmise par les excréments de l’insecte lorsqu’il défèque à proximité d’une piqure et que l’hôte frotte la piqure, propageant alors le parasite dans la plaie de la piqure, ou touche ses yeux, sa bouche ou toute autre lésion de la peau avec ses mains.
Les triatomes sont présents dans de nombreux types d’habitats, principalement dans les zones tropicales, mais on trouve également des espèces dans les zones tempérées du Nord et du Sud, en Patagonie et dans le sud de l’Argentine où les hivers sont froids, et dans l’Indiana et le Maryland aux États-Unis.
Une étude des deux espèces de vecteurs les plus importantes, la Rhodnius prolixus (dans la zone tropicale d’Amérique centrale et le nord de l’Amérique du Sud) et la Triatoma infestans (dans la région tempérée du cône sud de l’Amérique du Sud) a révélé que le réchauffement climatique aurait un effet négatif sur les deux espèces.
Comme le souligne l’étude, une grande partie des recherches sur le changement climatique porte sur le changement de la répartition géographique des nuisibles et des vecteurs de maladies. Cependant, de nombreux autres processus sont affectés par la température : la recherche d’hôtes, l’alimentation, la production d’œufs, le taux d’éclosion, le temps de développement avant maturité, l’arrêt de la mue et les processus des rythmes métaboliques.
Des conditions optimales peuvent provoquer un changement exponentiel du nombre de vecteurs d’une maladie, et inversement, de petits changements peuvent causer une réduction spectaculaire. En utilisant une mesure appelée la force d’infection qui combine un certain nombre de variables, les projections climatiques pour 2050 prévoient une tendance à la baisse des infections dans les deux zones présentant un risque modéré à élevé de transmission de la maladie.
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